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SOMPTUEUSE DEMENCE

C’est au cours d’un rêve vénéneux que ma vie fut empoisonnée par ce mal étrange et incurable : une nostalgie sans objet, la nostalgie d’un temps inexisté et inexistable.
Baigné d’une vaste conscience abandonnée par la pensée, épurée d’elle-même, drapé d’une vie immobile constellée du mouvement, je fus.
Ces simples mots m’épouvantent par le ridicule bruit figé qu’ils crient à mon oreille, le mensonge qu’ils hurlent à mon esprit, la petitesse qu’ils présentent à mon âme.
Ils emplissent mon cœur de pleurs froids et intérieurs, ils voilent le jour jaloux d’une pourpre pénombre, et me renvoient sans cesse au bord de cet étang, prisonnier de ce rêve maudit où je vis refléter le spectre d’un monde profond et puissant, léger et subtil.
Mon âme m’a quitté au réveil, libre de moi et d’elle, flottant vers le vrai, me se fuyant pleine d’effroi au-devant du monde. J’erre seul depuis ce non-temps dans un monde mécanique car mécanique moi-même. Allégé et alourdi, je suis suspendu à ma mémoire, dernier de mes bourreaux, qui, dans une froideur arctique, projette à mon esprit, à mon cœur et à mes yeux, les vestiges illusoires d’une plénitude.
Dévoré par le feu originel du vrai effleuré, vidé d’âme, je reste, condamné au souvenir, impuissant par une vie amputée. Je se souviens, telle est la malédiction.


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